Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/50

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percé, parce qu’ils portent besace et bâton, s’enorgueillissent et disent des injures à tout le monde. Ce ne sont que mendiants impertinents, pas plus philosophes que Fluctus ou Le Petit Carnéade.


épictète

Ceux dont tu parles, Serena, ne sont pas les vrais cyniques. Je n’estime pas leur rudesse beaucoup au-dessus de la mollesse de Porcus. Le mépris du porc ne me fait pas prendre le sanglier pour un Dieu. Le vrai philosophe cynique est un homme tout vêtu de pudeur. Sous son manteau percé, il parait nu aux ignorants ; mais il porte une tunique de lumière chaste. S’il reste toujours exposé à la vue de tous, c’est qu’il ne fait rien d’indécent. C’est un homme envoyé par les dieux pour nous réformer, pour nous apprendre par son exemple que, nu, sans bien, sans autre couvert que le ciel et sans autre lit que la terre, on peut être heureux. C’est un homme qui traite les vicieux, quelque grands qu’ils soient, comme des esclaves ; un homme qui, maltraité, battu, aime et bénit ceux qui le battent et le maltraitent ; un homme qui nous regarde tous comme ses enfants, qui fait la ronde pour nous, qui nous avertit avec bonté et avec tendresse, comme un père, comme un frère et comme le ministre des dieux mêmes ; un homme enfin que, malgré sa pauvreté, les rois et les princes ne peuvent voir sans respect.


serena

En connais-tu beaucoup qui soient faits sur ce modèle ?


épictète

Certes, j’en connais peu. Mais toi non plus, tu ne connais pas beaucoup d’Épicures.


serenus

Il n’y a qu’un seul Épicure.