Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/17

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Stalagmus. — Je dis un monde qui se proclame chrétien.

Agnès. — Alors mes fils vivent librement.

Stalagmus. — Tes fils sont soumis au collège de prêtres dont le chef parle dans la cuve trop haute.

Agnès. — Tu mens. Les prêtres chrétiens sont des libérateurs. Comment auraient-ils des esclaves ?

Stalagmus. — Le chef des prêtres dit : « Vous n’êtes point nos esclaves, car nous avons détruit l’esclavage. Vous appartenez - tels des arbres qu’il serait criminel d’arracher - à la terre qui nous appartient. »

Tyndare. — L’infâme sophiste !

Stalagmus. — Ecoute, ô femme… je vois un cachot… Attends… Mes regards ont peine à pénétrer son obscurité qu’étoile une cire à la lumière flottante. Un de tes fils reculés y est étendu et des prêtres inclinés l’interrogent pendant qu’on le torture.

Agnès (frémissante). — Quel crime abominable a-t-il commis pour que même les prêtres, ces miséricordieux ?…

Stalagmus. — Il a refusé de s’agenouiller devant un prêtre criminel et puissant au moment où ce prêtre levait la main, dans le geste qui veut dire : « Agenouille-toi ».

Sostrata. — Regarde plus loin. La liberté et le bonheur sont, sans doute, plus loin.

Stalagmus. — Plus loin… Au-delà de quelques siècles… (Montrant Agnès d’un doigt méprisant.) Les fils de ce ventre sont des artisans… Quel étrange chaos, le monde où ils souffrent. Sur un forum, un homme parle. Il crie : « Commémorons, citoyens, la grande et décisive victoire depuis laquelle il n’y a plus d’esclaves des hommes nobles, depuis laquelle il n’y a plus d’esclaves des prêtres. Le peuple, voici cent ans, s’est délivré ! »

Sostrata. — 0 joie !… Dis, dis cette époque heureuse.

Tous. — Dis cette époque heureuse.

Stalagmus. — Epoque folle ! Mes yeux voient. Mes oreilles entendent. Mon esprit refuse de croire. Comment admettre une telle démence des hommes ? Et cette démence de machines inconnues semblables, quant à leurs formes gigantesques, quant à la gaucherie grin-