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Scène III

Stalagmus, Géta, Palinurus, Agnès, Eudoxe mort

Stalagmus, qui s’est penché pour suivre dans sa chute le corps d’Eudoxe, se relève en s’essuyant le front.

Agnès. — Il est écrit : « Tu ne tueras point ! »

Stalagmus. — Le maître vole à l’esclave ce qui seul donne à la vie une valeur. Même tué, le maître reste le vrai meurtrier. Ma révolte est fille de ma servitude et la mort d’Eudoxe est l’œuvre d’Eudoxe.

Agnès. — Le repentir lave les crimes. Repens-toi.

Stalagmus. — Le Maître reste toujours l’agresseur. Quelque mal qu’il lui rende, l’esclave est toujours un juge trop indulgent. Tous les crimes de tyrannie ou de servitude sont l’œuvre du maître, et l’esclave ne peut jamais être criminel contre lui.

Agnès. — Tu ne veux pas te repentir !

Stalagmus. — Quand je me repentirais, puis-je rendre la vie à celui qui est mort ?… (Il regarde fixement Agnès.) Et toi, te repens-tu ?

Agnès. — De quoi ? Mes mains sont pures.

Stalagmus. — Repens-toi, ô femme. Ecrase le germe que tu portes en toi et d’où sortiront, si tu ne t’y opposes, tant de générations d’esclaves lâches ou meurtriers. Détruis d’un seul coup les horribles vies que j’ai vues tout à l’heure.

Agnès (s’enfuyant, les mains sur son ventre). — 0 criminel, ô conseilleur de crimes !