Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/145

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donc destiné à être le sauveur de toute la famille ! Je suis heureux de vous rencontrer, mon ami. Comment m’avez-vous reconnu ? Je vous ai si peu vu ! On m’a emporté presque tout de suite.

— C’est moi-même qui vous ai emporté, monsieur, avant que vous eussiez repris connaissance. Les Arabes étaient blessés et en fuite ; il n’y avait plus de danger pour vous, mais vous étiez sans connaissance ; vous n’avez donc pas pu voir mon visage, mais j’ai bien vu le vôtre pendant une heure que je vous ai porté. »

Cette scène avait mis un peu de désordre dans le repas ; Mme d’Orvillet s’était levée de table et était venue remercier le brave chemineau. Laurent et Anne regardaient tout ébahis ; ils coururent à lui et l’embrassèrent. Le bon chemineau ne savait comment assez remercier de la reconnaissance qu’on lui témoignait ; il regardait Félicie du coin de l’œil ; il souffrait pour elle de son embarras. Mme d’Orvillet ne savait si elle devait l’appeler ou la laisser comme dans l’oubli. Le général fit cesser l’indécision.

« Viens, Félicie, il faut que, toi aussi, tu remercies ce brave homme qui m’a sauvé la vie. Tous, nous lui devons beaucoup. »

Félicie ne bougea pas ; son oncle alla à elle, lui prit la main et lui dit à l’oreille en l’embrassant :

« Je sais ce qui te retient, je sais tout ; il faut que tu viennes, sans quoi on pourrait deviner… les Castelsot surtout. »

Félicie devint pourpre, mais elle n’hésita pas à suivre son oncle et à aller serrer la main du che-