Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/162

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observé et deviné ce qui s’était passé ; deux ou trois fois elle voulut s’en aller pour emmener Félicie, mais les vieux Robillard lui demandèrent si instamment de rester encore un peu de temps, qu’elle n’eut pas le courage de leur refuser. Depuis que Félicie était seule sans parler à personne, Mme d’Orvillet était plus tranquille. Au moins, pensa-t-elle, son orgueil ne blessera plus ces pauvres gens ; elle a si bien fait l’impertinente avec Amanda, que tout le monde en est informé, et qu’on ne veut plus s’y risquer.

La bonne regardait de temps en temps du côté de Félicie ; la voyant à sa même place, elle donna ses soins aux deux petits qui galopaient, qui dansaient, qui mangeaient, buvaient et s’amusaient comme des rois. Chacun s’occupait d’eux, les admirait, les embrassait ; ils ne s’étaient jamais tant amusés.

Le chemineau avait été pris pour aider au service ; il versait à boire, rinçait les verres, lavait la vaisselle, et rendait tous les bons offices en son pouvoir ; lui aussi jetait de temps en temps un coup d’œil sur Félicie ; il entendait ce qu’on disait d’elle autour de lui, et il aurait bien voulu qu’elle fût autrement ; mais il n’osait pas s’approcher d’elle, encore moins lui parler ; il sentait qu’elle lui en voulait toujours, et il ne cessait de se reprocher son aventure avec elle.

« Madame est bien bonne de me l’avoir pardonné, se disait-il ; et ce bon M. d’Alban, qui m’en a parlé aussi sans colère ; c’est qu’il me plaignait au lieu de me gronder ; il m’a bien recommandé de ne