Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/163

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jamais me laisser aller à boire ; et bien sûr que je ne recommencerai pas, j’ai eu trop de chagrin d’avoir été pris de vin ce jour-là pour recommencer une chose pareille. Cette pauvre petite demoiselle ! Me déteste-t-elle ! Et de penser que c’est la nièce de ce bon M. le comte ! C’est ça qui me chagrine le plus. Que puis-je faire, mon bon Dieu, pour me rapatrier avec elle ?… C’est qu’elle a une manière de vous regarder et de vous parler qui n’encourage pas ; ça vous glace malgré vous… Bon, j’ai une idée. » Diloy dit quelques mots à voix basse à M. d’Alban qui venait demander un verre de cidre.

« Tu crois ? lui répondit le général.

— Je pense que oui, monsieur ; la pauvre petite demoiselle s’ennuie parce qu’elle n’a pas de danseur. Et si vous vouliez bien la faire danser, elle serait bien contente, j’en suis certain.

— C’est facile à faire, je vais voir. Félicie, que fais-tu donc là toute seule ? s’écria le général, qui s’approcha d’elle. Tu n’as pas l’air de t’amuser ? Viens par ici, on va commencer un galop monstre, je serai ton danseur si tu n’en as pas.

— Je veux bien, mon oncle », dit Félicie en se levant.

La musique commença un galop ; les danseurs se précipitèrent sur leurs danseuses pour ne pas perdre une minute de plaisir ; le général enleva Félicie, et tous les couples, violon en tête, partirent en courant, tournant, riant ; ils furent hors de vue en un instant ; Laurent, Anne, la bonne, tout le monde en était ; Mme d’Orvillet resta seule avec les