Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/239

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Gertrude.

Ma pauvre Félicie, ton aventure avec ce chemineau est très désagréable, mais pas autant que tu le crois. D’abord il était ivre, il était dans son tort ; ensuite, étant ivre, il a abusé de sa force pour battre un enfant, second tort. »

Félicie triomphait et sentait augmenter son amitié pour Gertrude. Celle-ci continua :

« Il l’a si bien senti quand son ivresse a été passée, qu’il n’en a parlé à personne, qu’il s’est cru obligé, en conscience, de venir faire des excuses à ceux qu’il croyait avoir offensés ; il était honteux de son emportement ; il cherchait à réparer sa faute, et c’est pourquoi il s’est si bravement conduit dans l’attaque de l’ours ; tout cela prouve que c’est un honnête homme, un brave homme, qui se croit plus coupable qu’il ne l’est réellement.

« Il est honteux de ce qu’il a fait, et tu penses bien qu’il cherche et qu’il cherchera à le faire oublier ; il n’en parlera jamais, parce qu’il craindra de se faire du tort et de te faire du tort. Il s’est attaché à toi parce que c’est toi qui as eu à te plaindre de lui. Il est reconnaissant de ton pardon, qu’il a tant désiré d’obtenir, parce qu’il a senti combien tu devais faire d’efforts pour l’accorder. Si tu acceptes l’idée de ma tante, il te sera de plus en plus dévoué et reconnaissant.

« Au total, je crois que ce pauvre chemineau est un excellent homme et qu’il sera un excellent serviteur. Et si j’étais toi, je dirais à ma tante de