Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/288

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Le pauvre Frédéric tomba sur sa paille ; il s’y roula en poussant des cris déchirants.

« Mon père, mon père ! Il me maudira ! Pauvre mère ! Que va-t-elle devenir ? Grâce, pitié. Tuez-moi, mon maréchal des logis ; par grâce, tuez-moi !

le maréchal des logis, ému.

Mon pauvre garçon, prends courage ! On t’aime dans le régiment ; c’est la première faute que tu commets ; tu as été entraîné. Espère, mon ami. Le conseil de guerre sera composé d’amis. Ils t’acquitteront peut-être.

frédéric.

Vous cherchez à m’encourager, mon maréchal des logis. Vous êtes bon ! Je vous remercie. Mais le code militaire ? C’est la mort que j’ai méritée. Et avant la mort, la dégradation : la honte pour moi, pour les miens ! Oh ! mon Dieu !

le maréchal des logis.

J’ai fait mon rapport le plus doux possible pour toi, mon ami. Pour Bourel, c’est autre chose.

frédéric.

Alcide ? Il vous a touché ?

le maréchal des logis.

Touché ! Tu es bien bon ; repoussé, battu, il m’a appelé canaille, et il m’a assené un coup de poing dans l’estomac qui a failli me jeter par terre. Celui-là, qui est un gredin, un mauvais soldat, je ne l’ai pas ménagé, j’ai dit toute la vérité. Il est sûr de son fait, lui : la mort sans rémission.

frédéric.

Alcide ! La mort ! Le malheureux ! quel mal il m’a fait ! il a toujours été mon mauvais génie, un Satan acharné à ma perte.