Page:Ségur - Lettres d une grand mère.djvu/92

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Kermadio, 1871, 27 février.

Cher petit, je t’ai écrit hier, mais je t’écris encore quelques lignes aujourd’hui, de peur que tu ne partages les inquiétudes sur ton père ; on le croit emmené en otage par les Prussiens,parce qu’il a refusé,ainsi que ton oncle Anatole, de payer l’impôt illégal que les Prussiens veulent prélever sur tous les habitants de l’Orne, 25 fr. par tête. Tous les maires ont fait comme eux ; et on les a tous menacés d’être emmenés en otage ; mais cette menace n’a pas été effectuée, comme elle ne l’avait pas été avec d’autres. Et la paix devant être signée à présent, les Prussiens n’ont aucun droit sur aucun Français ; surtout quand il s’agit d’un conseiller d’État, d’un officier de la Légion d’honneur, qui n’a fait que son devoir, et de gens comme il faut.

Si on t’a écrit de B., ne t’inquiète pas de leurs terreurs ; tu verras que rien de fâcheux n’arrivera à ton père. Jeanne s’inquiète beaucoup qu’il ne gagne la gale, parce que, dit-on, tous les Prussiens ont la gale. Or la gale se guérit par un ou deux bains de soufre ; ainsi la gale même n’a aucun danger pour lui. Adieu, mon très cher petit, je t’embrasse bien tendrement… Je vais bien ; tout le monde d’ici t’embrasse, surtout ton oncle Gaston.

Grand’mère de Ségur.


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Kermadio, 27 février 1871.

Je t’écris un second mot, cher enfant. La paix est signée, l’on père ne court plus aucun danger. Le général a grondé les Officiers prussiens ; il y aurait eu 15 maires et 15 adjoints