Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/372

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Jeanne.

Pour en donner à nos pauvres lapins, qui n’en ont jamais et qui l’aiment tant.

Henriette.

Si Jacques et Louis te voient prendre l’avoine de Cadichon, ils te gronderont.

Jeanne.

Ils ne me verront pas. J’attendrai qu’ils ne me regardent pas.

Henriette.

Alors, tu seras une voleuse, car tu voleras l’avoine du pauvre Cadichon, qui ne peut pas se plaindre, puisqu’il ne peut pas parler.

— C’est vrai, dit Jeanne tristement. Mes pauvres lapins seraient pourtant bien contents d’avoir un peu d’avoine. »

Et Jeanne s’assit près de mon auget, me regardant manger.

« Pourquoi restes-tu là, Jeanne ? demanda Henriette. Viens avec moi pour avoir des nouvelles d’Auguste.

— Non, répondit Jeanne, j’aime mieux attendre que Cadichon ait fini de manger, parce que, s’il laisse un peu d’avoine, je pourrai alors la prendre, sans la voler, pour la donner à mes lapins. »

Henriette insista pour la faire partir, mais Jeanne refusa et resta près de moi. Henriette s’en alla avec ses cousins et ses cousines.

Je mangeai lentement ; je voulais voir si Jeanne, une fois seule, succomberait à la tentation de ré-