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LIVRE VI.

pulsion ; mais dans son sein tombent les débris détachés d’elle-même, dissous par l’eau, ou rongés par le feu, ou arrachés par un souffle violent ; et à défaut même de ces trois causes, les causes internes de déchirement et de destruction ne manquent pas. D’abord, en effet, tout s’écroule avec le temps, et rien n’échappe à la vieillesse, qui mine les corps les plus solides et les plus robustes. Tout comme, dans les vieux édifices, il est des portions qui tombent, même sans aucun choc, quand la force ne fait plus équilibre au poids ; ainsi, dans cette charpente de tout le globe, il arrive à certaines parties de se dissoudre de vétusté ; dissoutes, elles ébranlent par leur chute ce qui est au-dessus d’elles, d’abord en se détachant, car aucun corps considérable ne se sépare d’un autre sans le mettre en mouvement, ensuite lorsque, précipitées, tout objet résistant les fait rebondir, comme une balle qui ne tombe que pour rejaillir, qui, souvent chassée, est chaque fois renvoyée par le sol d’où elle prend encore son élan. Si ces débris vont choir dans une eau stagnante, les lieux voisins sentent la commotion : d’énormes flots y sont brusquement refoulés sous le choc de masses lancées de si haut.

XI. Certains philosophes, tout en expliquant les tremblements de terre par le feu, lui assignent un autre rôle. Ce feu, qui bouillonne en plusieurs endroits, exhale nécessairement des torrents de vapeurs qui n’ont pas d’issue et qui dilatent fortement l’air ; avec plus d’énergie, ils font voler en éclats les obstacles ; moins véhéments, ils ne peuvent qu’ébranler le sol. Nous voyons l’eau bouillonner sur le feu. Ce que nos foyers produisent sur ce peu de liquide dans une étroite chaudière, ne doutons pas que le vaste et ardent foyer souterrain ne le produise avec plus de force sur de grands amas d’eaux. Alors la vapeur de ces eaux bouillonnantes secoue vivement tout ce qu’elle frappe.

XII. Mais l’air est le mobile qu’admettent les plus nombreuses et les plus grandes autorités. Archelaüs, très-versé dans l’antiquité, s’exprime ainsi : « Les vents s’engouffrent dans les cavités de la terre ; là, quand tout l’espace est rempli, et l’air aussi condensé qu’il peut l’être, le nouvel air qui survient foule et comprime le premier, et de ses coups redoublés il le resserre, puis le disperse en désordre. Celui-ci, qui cherche à se faire place, écarte tous les obstacles et s’efforce de briser ses barrières ; ainsi arrivent les tremblements de terre, par la lutte de l’air impatient de fuir. Ces commotions ont pour avant-coureur un air calme et que rien n’agite, parce que la