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QUESTIONS NATURELLES.

aidés des secours du roi d’Éthiopie et recommandés par lui aux rois voisins, ils voulurent pénétrer plus avant et arrivèrent à un immense marais. « Les indigènes, ajoutaient-ils, ne savent pas où il finit, et il faut désespérer de le savoir, tant les herbages y sont entremêlés à l’eau, tant cette eau est peu guéable, et impraticable aux navires. Une petite barque, avec un seul homme, est tout ce que peut porter ce marais fangeux, tout hérissé d’obstacles. Là, me dit l’un des centurions, nous vîmes deux rochers d’où tombait un énorme cours d’eau. » Que ce soit la source ou un affluent du Nil, qu’il naisse en ce lieu ou ne fasse qu’y reparaître après une course souterraine, quoi que ce soit enfin, douteras-tu que cette eau ne vienne d’un grand lac perdu sous le sol ? Il faut que la terre renferme en maint endroit beaucoup d’eaux éparses, qu’elle réunit en un bassin commun, pour qu’elle puisse vomir de si forts courants.

IX. D’autres, qui attribuent les tremblements de terre au feu, varient sur son mode d’action. Anaxagore est particulièrement de cette opinion : « que la cause des orages est analogue à celle des tremblements de terre ; c’est-à-dire qu’un vent enfermé sous terre vient à en briser l’air épais et condensé en nuages, aussi violemment que sont brisées les nuées du ciel ; et que de cette collision de nuages, de ce choc de l’air écrasé sur lui-même s’allume un feu soudain. Ce feu, heurtant tout ce qui s’offre à lui, cherche une issue, écarte tout obstacle, tant qu’enfin, resserré dans un étroit passage, il trouve une route pour s’échapper à l’air libre, ou s’en fait une par la violence et la destruction. » Ceux qui expliquent autrement le même phénomène disent « que ce feu couve en plus d’un endroit[1], consumant tout ce qui l'avoisine, et que, si les parties rongées tombent, leur chute entraîne tout ce qui perd en elles son appui, nul support nouveau n’étant là pour arrêter l’écroulement. Alors s’ouvrent des gouffres béants, de vastes abîmes, où, après avoir branlé longtemps, le sol se rassoit sur les parties demeurées fermes. C’est ce que nous voyons dans nos villes, quand l’incendie en dévore quelques édifices ; les poutres une fois brûlées ou les supports de la toiture détruits, le faîte qui a longtemps balancé s’effondre, et l’ébranlement, les oscillations ne cessent que lorsqu’il rencontre un point d’appui. »

X. Anaximène voit dans la terre elle-même la cause ue ces tremblements : selon lui, elle ne reçoit du dehors aucune im-

  1. Je lis : pluribus obrutus locis. Un Ms. : ruptus. Un autre obvius.