Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/270

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XVI. « Quoi ! je ne me courroucerai pas contre un voleur, contre un empoisonneur ? » Non ; car je ne me courrouce pas contre moi-même quand je me tire du sang. Toute espèce de châtiment, je l’applique comme remède. Toi qui ne fais encore que débuter dans le mal, dont les chutes, quoique fréquentes, ne sont pas graves, pour te ramener, j’essaierai des remontrances d’abord en particulier, puis en public. Toi qui es tombé trop bas pour que de simples paroles puissent te sauver, tu seras contenu par l’ignominie. Et toi, il faut t’infliger une flétrissure plus forte, et qui fasse impression : on t’enverra en exil et sur des bords ignorés. Ta corruption invétérée exige-t-elle des remèdes encore plus vigoureux ? les fers et la prison publique t’attendent. Mais toi dont l’âme est incapable, dont la vie n’est qu’une trame de crimes toujours nouveaux ; toi qui te laisses pousser non plus par l’occasion, qui ne manque jamais au méchant, mais par une cause pour toi assez puissante, par le seul plaisir de mal faire ; tu as épuisé l’iniquité ; elle a tellement pénétré tes entrailles que tu ne la peux quitter qu’avec la vie ; malheureux ! qu’il y a longtemps que tu cherches la mort ! Eh bien ! tu vas nous rendre grâces : nous t’arracherons au vertige qui fait ton malheur : après avoir vécu pour le supplice des autres et de toi-même, il n’est plus pour toi qu’un seul bien possible, la mort, que tu recevras de notre main. Pourquoi m’emporterais-je contre toi à l’heure où je te rends le plus grand service ? Il est des cas où la pitié la mieux entendue est de donner la mort.

Si, consommé dans l’art de guérir, j’entrais dans un hôpital ou dans la maison d’un riche, à des maladies toutes diverses