Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/276

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que le mal ne vient pas du fond de l’âme, mais s’arrête, comme on dit, à la surface. Cette impunité-là n’est funeste ni à celui qui l’accorde, ni à celui qui la reçoit. Quelquefois un grand crime sera moins puni qu’un plus léger, si dans l’un il y a oubli, et non scélératesse, et dans l’autre, astuce profonde, hypocrisie invétérée. Le même délit n’appellera pas sur l’homme coupable par inadvertance la même répression que sur celui qui l’est avec préméditation. Il faut que dans toute application de peine, le juge sache et ne perde jamais de vue, qu’il s’agit, ou de corriger les méchants, ou d’en purger la terre : dans les deux cas, ce n’est point le passé, c’est l’avenir qu’on envisagera. « Le sage, a dit Platon, punit, non parce qu’on a péché, mais pour qu’on ne pèche plus ; car tout fait consommé est irrévocable ; on ne prévient que l’avenir. Veut-il faire un exemple de quelques criminels enlacés dans leurs propres trames, il les fait mourir publiquement, non pas tant pour qu’ils périssent, que pour qu’ils servent aux autres d’effrayante leçon. »

On voit combien celui qui tient cette terrible balance doit être libre de toute passion au moment d’exercer un pouvoir qui demande les plus religieux scrupules, qui donne droit de vie et de mort. Le glaive est mal placé entre les mains d’un furieux !

Gardons-nous aussi de penser que la colère contribue en rien à la grandeur d’âme. Cette passion n’a point de grandeur ; elle n’est que boursouflée : l’humeur viciée, qui gonfle l’hydropique, n’est pas de l’embonpoint, c’est une maladie, une enflure funeste. Tout esprit dépravé, qui foule aux pieds les maximes universelles, croit s’élever à je ne sais quoi de noble