Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réussi à ne rire jamais, à s’interdire toute leur vie l’amour, le vin, ou même toute boisson ; à se contenter d’un sommeil de quelques instants, pour prolonger d’infatigables veilles ; à courir en montant sur la plus mince corde ; à porter d’effrayants fardeaux, qui dépassent presque les forces humaines ; à plonger à d’immenses profondeurs, et à demeurer très longtemps sous les eaux sans respirer.

XIII. Il est mille exemples d’obstacles surmontés par une volonté ferme, et qui prouvent que rien n’est difficile à qui s’impose la loi d’en triompher. Et que gagnent les gens dont je viens de parler ? rien, ou bien peu pour tant de peine. Qu’obtient, en effet, de si brillant l’homme qui s’est fait une étude d’aller sur la corde tendue, ou de ne pas fléchir sous d’énormes poids, de ne pas laisser clore ses yeux au sommeil, de pénétrer jusqu’au fond des mers ? et pourtant, pour un si mince profit, la constance est venue à bout de son œuvre. Et nous n’appellerons pas à notre aide cette patience après laquelle nous attend une récompense si douce, le calme inaltérable et la félicité de l’âme ? Quelle victoire d’échapper à la colère, cette horrible maladie, et en même temps à toutes les passions furibondes et cruelles qui l’accompagnent !

Ne cherchons point une excuse, une apologie pour nos emportements, en soutenant qu’ils sont ou utiles, ou inévitables ; car quel vice a jamais manqué d’avocat ? Ne disons pas : « La colère ne se guérit point. » Les maux de l’âme sont loin d’être incurables : la nature, qui nous forma pour la vertu, nous aide elle-même à nous corriger, si nous le voulons. Il n’est pas