Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/349

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sort, il donna le signal de la retraite ; et cependant, on réservait pour lui des oiseaux succulents, et des chameaux portaient l’attirail de ses cuisines, tandis que ses soldats demandaient au sort à qui appartiendrait une mort misérable, ou une existence pire encore.

XXI. Cambyse déploya sa colère contre une nation inconnue, innocente, et qui toutefois pouvait sentir ses coups ; mais Cyrus s’emporta contre un fleuve. Comme il allait assiéger Babylone, et qu’il courait à la guerre, où l’occasion est toujours décisive, il tenta de passer le Gynde, alors fortement débordé, entreprise à peine sûre quand le fleuve a souffert les chaleurs de l’été, et que ses eaux sont le plus basses. Un des chevaux blancs, qui d’ordinaire traînaient le char du prince, fut emporté par le courant, ce qui indigna vivement Cyrus. Il jura de réduire ce fleuve, assez hardi pour entraîner les coursiers du grand roi, au point que des femmes mêmes pussent le traverser et s’y promener à pied. Il transporta là tout son appareil de guerre, et persista dans son œuvre, jusqu’à ce que, partagé en cent quatre-vingts canaux, divisés eux-mêmes en trois cent soixante ruisseaux, le fleuve, à force de saignées, laissât son lit entièrement à sec. De là une perte de temps, irréparable dans les grandes entreprises, l’ardeur du soldat consumée en un travail stérile ; enfin l’occasion de surprendre Babylone manquée, pour faire, contre un fleuve, une guerre qu’on avait déclarée à l’ennemi.

XXII. Cette démence (car quel autre terme employer ?) a gagné aussi les Romains. Caligula détruisit, près d’Herculanum, une magnifique maison de plaisance, parce que sa mère y avait été quelque temps détenue. Il ne fit par là qu’é-