Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/362

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gent qui fatigue les échos du forum, qui met les fils aux prises avec leurs pères, qui prépare des poisons, qui confie le glaive aux sicaires, aussi bien qu’aux légions. Oui, l’argent est partout souillé de sang humain ; pour l’argent, maris et femmes troublent par leurs querelles le silence des nuits, la foule se presse devant le tribunal des juges ; enfin si les rois massacrent et pillent, s’ils renversent des cités, œuvre des siècles, c’est pour aller, dans leurs cendres fumantes, chercher l’or et l’argent.

XXXIII. Et si vous daignez abaisser la vue sur ces coffres-forts cachés dans les plus obscurs recoins, vous direz : « Voilà donc la cause de ces cris de fureur, de ces yeux sortant de leurs orbites ; c’est pour cela que hurle la chicane dans nos palais de justice, et que des juges, évoqués de si loin, s’en viennent décider, entre deux plaideurs, de quel côté la loi favorise le plus la cupidité. » Je parle de coffres-forts ! Et pour une poignée de menu cuivre, pour un denier que détourne un esclave, ce vieillard, qui va mourir sans héritiers, entre dans des convulsions de rage. Et pour la plus modique fraction d’intérêt, cet usurier infirme, qui, les pieds et les mains rongés de goutte, n’est pas en état de comparaître, crie incessamment et par ses mandataires poursuit, au fort de ses accès, le recouvrement de quelques as.

Quand vous m’étaleriez toute cette masse de métaux qu’on ne cesse d’arracher du sein de la terre ; quand vous mettriez au jour tout ce qu’enfouit de trésors cette avarice qui rend à la terre ce qu’elle lui a si mal à propos ravi, je n’estime pas tout cet amas digne de faire sourciller le sage. Combien il se doit rire de ce qui nous arrache tant de larmes !