Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/363

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XXXIV. Voulez-vous maintenant parcourir toutes les autres causes de colère, raffinements du manger et du boire, prétentions qui s’y rattachent, recherches de la parure, paroles, insultes, gestes, attitude peu respectueuse, paresse d’un esclave, indocilité d’une bête de somme, soupçons, interprétations malignes des propos d’autrui, qui feraient juger la parole comme un présent funeste de la nature ? Croyez-moi : ce sont raisons légères qui nous fâchent si grièvement ; les luttes et les querelles d’enfants n’ont pas de motifs plus frivoles. Dans tout ce que nous faisons avec une si triste gravité, rien de sérieux ni de grand. Votre colère, encore une fois, votre folie ne vient que de ce que vous attachez un trop grand prix à ce qui n’en a guère. « Celui-ci a voulu m’enlever un héritage ; on m’a desservi près du testateur qui, dès longtemps, me faisait espérer que sa volonté suprême serait en ma faveur ; on a tenté de séduire ma concubine. » Ainsi la communauté de vouloir qui devait être un nœud d’amitié, devient un ferment de discorde et de haine.

XXXV. Dans une ruelle étroite, il s’élève des rixes entre les passants ; dans une route large et spacieuse, des populations mêmes ne se heurtent pas. Les objets de vos désirs ne pouvant, à cause de leur exiguïté, passer à l’un sans être ôtés à l’autre, excitent de même, chez tant de prétendants, et des disputes et des procès. Tu t’indignes qu’un esclave, qu’un affranchi, que ta femme, que ton client aient osé te répondre ; puis tu vas te plaindre qu’il n’y a plus de liberté dans l’État, toi qui l’as bannie de chez toi ! Qu’on ne réponde pas à tes questions, on sera traité de rebelle. Laisse à tes gens le droit de parler, de se taire, de rire. Quoi ! devant un maître ? Non, devant un père