Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/389

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importun ? Aussi persuadons-nous bien que l’agitation qui nous travaille ne vient point des lieux, mais de nous. Nous sommes trop faibles pour rien supporter : peine, plaisir, tout, jusqu’à nous-mêmes, nous est à charge. Aussi quelques-uns ont pris le parti de mourir, en voyant qu’à force de changer, ils revenaient toujours aux mêmes objets, parce qu’ils n’avaient plus rien de nouveau à éprouver. Le dégoût de la vie et du monde les a pris, et par leur bouche la volupté blasée a fait entendre ce cri de désespoir : « Quoi ! toujours la même chose ! »

III. Contre cet ennui, tu me demandes quel remède il faut employer ? « Le meilleur serait, comme dit Athénodore, de chercher dans les affaires, dans le gouvernement de l’État, dans les devoirs de la vie civile, un moyen de se tenir en haleine. Car, comme il est des hommes qui passent toute la journée à faire de l’exercice en plein soleil, à prendre soin de leur corps, et que pour les athlètes, il est éminemment utile de consacrer à l’entretien de leurs bras et de cette force dont ils font profession, la plus grande partie de leur temps ; de même pour nous, qui nous destinons aux luttes politiques, n’est-il pas encore plus beau d’être toujours en haleine ? car celui qui se propose de se rendre utile à ses concitoyens et à tous les mortels, trouve beaucoup à s’exercer et à profiter, lorsque, dans les emplois, il administre, avec tout le zèle dont il est capable, les intérêts publics et privés. Mais, continue Athénodore, au milieu d’un tel conflit d’intrigues et de cabales, parmi cette foule de calomniateurs accoutumés à donner un mauvais tour aux actions les plus droites, la simplicité du cœur n’est guère en sûreté ; elle doit s’attendre à rencontrer plus d’obstacles que de moyens de réussir. Il faut donc s’éloigner du forum et des fonctions publiques.