Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/388

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tion de plaisir. Il est aussi des mouvements qui, en causant quelque douleur au corps, font qu’il s’en trouve bien, comme de se retourner dans son lit, de s’étendre sur le côté qui n’est pas encore las, et de se rafraîchir par le changement de position. Tel l’Achille d’Homère se couchant tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos, et ne pouvant rester un moment dans la même attitude. C’est le propre de la maladie de ne pouvoir souffrir longtemps la même position, et de chercher, dans le changement, un remède. De là ces voyages que l’on entreprend sans but ; ces côtes que l’on parcourt ; cette mobilité qui, toujours ennemie du présent, tantôt essaie de la mer, tantôt de la terre. Maintenant il nous faut aller en Campanie. Bientôt ce séjour délicieux nous déplaît : il faut voir des pays incultes ; allons parcourir les bois du Brutium et de la Lucanie ; cherchons, parmi les déserts, quelque site agréable pour que nos yeux, avides de voluptueuses impressions, soient quelque peu récréés de l’aspect de tant de lieux arides. Bientôt Tarente et son port renommé nous appellent, et son climat si doux pendant l’hiver, et ses maisons dignes, par leur magnificence, de son antique population. Mais le moment est venu de diriger nos pas vers Rome ; trop longtemps nos oreilles ont été sans ouïr les applaudissements et le fracas du cirque : il nous tarde de voir couler le sang humain.

Un voyage succède à l’autre, un spectacle remplace un autre spectacle ; et comme dit Lucrèce :

..... Ainsi chacun se fuit soi-même.

Mais que sert de fuir, si l’on ne peut échapper ? Ne se suit-on pas soi-même ? n’est-on pas pour soi un compagnon toujours