Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/100

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prennent pas à quoi tendent ces ouvrages qui s’élèvent si loin d’eux. La même chose vous arrive : engourdis au milieu de votre avoir, vous ne songez pas combien d’accidents de toutes parts vous menacent, qui tout à l’heure vous raviront ces précieuses dépouilles. Otez au sage les richesses, tous ses vrais biens lui resteront ; car il vit satisfait du présent, tranquille sur l’avenir. « Il n’est rien, dira Socrate ou quiconque pourra juger les choses humaines avec la même autorité, il n’est rien que je me sois autant promis que de ne pas plier à vos préjugés la conduite de ma vie. Ramassez de tous côtés contre moi vos propos ordinaires, je ne prendrai pas cela pour des injures, mais pour de misérables vagissements d’enfants. » Ainsi parlera l’homme en possession de la sagesse, l’homme auquel une âme exempte de tout vice fait une loi de gourmander les autres, non qu’il les haïsse, mais pour les guérir. Il ajoutera encore : « Votre opinion m’inquiète, non pour mon compte, mais pour le vôtre : c’est un malheur que de haïr et de harceler la vertu, c’est abjurer l’espoir de revenir au bien. Vous ne me faites, à moi, aucun tort, pas plus qu’aux dieux ceux qui renversent leurs autels ; mais l’intention mauvaise est manifeste, et le