Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/106

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en effet votre folie s’attaque au ciel même, je ne dis pas que vous faites un sacrilège, mais vous perdez votre peine. Moi, j’ai fourni jadis matière aux bouffonneries d’Aristophane : toute cette poignée de poètes burlesques a vomi contre moi ses sarcasmes envenimés. Ma vertu a dû son plus beau lustre aux atteintes qu’on lui portait : car le grand jour et les persécutions la servent, et nul n’apprécie mieux tout ce qu’elle vaut que ceux qui ont éprouvé ses forces en la provoquant. La dureté du caillou ne se fait bien connaître qu’à ceux qui le frappent. Je me livre à vos coups comme un rocher isolé sur une mer houleuse : les flots, quelque vent qui les pousse, le battent incessamment, sans pour cela l’ébranler de sa base ni, malgré tant de siècles et des attaques perpétuelles, le détruire. Attaquez-moi, donnez l’assaut : c’est en vous supportant que je triompherai. Contre une force insurmontable, toute agression, si vive qu’elle soit, ne fait tort qu’à elle-même. Cherchez donc quelque matière plus molle, plus prompte à céder, où puissent s’enfoncer vos traits. Avez-vous