Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/26

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et souillée des drogues de la toilette. Le souverain bien est impérissable : il ne sort pas du cœur où il règne, il n’a ni satiété, ni repentir. Car une conscience droite ne dévie jamais, n’est jamais odieuse à elle-même, et ne change jamais rien à sa ligne de conduite, parce que toujours elle suit la meilleure. La volupté, au contraire, s’éteint au moment même où son charme est le plus puissant. Son domaine est limité ; aussi le remplit-elle promptement ; le dégoût arrive, et dès qu’elle a pris son essor, elle languit. Une chose dont le mouvement est l’essence, n’a jamais de fixité, et ce qui ne vient que pour passer rapidement et périr en se réalisant, n’a même rien de positif : venir et cesser d’être ne font qu’un seul moment, et le commencement touche à la fin.


VIII. N’est-il pas vrai aussi que le plaisir est commun aux bons et aux méchants ? L’homme dépravé trouve dans son infamie des plaisirs non moins intenses que l’honnête homme dans sa belle conduite. C’est pour cela que les anciens prescrivent d’avoir pour but, non pas une vie agréable, mais une vie honnête : de telle sorte que le plaisir soit pour la volonté droite et bonne, non pas un principe directeur, mais un accompagnement. La nature, en effet, est le guide qu’il faut