Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/48

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proche seule nous amollit. Quiconque passe au camp de la vertu est présumé un noble caractère ; qui s’enrôle sous la volupté est aux yeux de tous dépourvu de ressort et d’énergie, déchu de la dignité d’homme, voué a de honteux excès, si on ne lui montre à faire la distinction des plaisirs, s’il ne sait pas lesquels se renferment dans les besoins de la nature, lesquels se précipitent et n’ont plus de bornes, d’autant plus insatiables qu’on les rassasie davantage. Eh bien, donc ! que la vertu marche la première : tous nos pas seront assurés. L’excès du plaisir est nuisible ; dans la vertu pas d’excès à craindre, car elle est elle-même le principe régulateur. Ce n’est pas un bien qu’une chose qui souffre de son propre accroissement.


XIV. Homme, tu as en partage une nature raisonnable : quel meilleur guide te proposer que la raison ? Et si l’on veut marier la vertu à la volupté, et n’aller au bonheur qu’ayant toutes les deux pour compagnes, que la vertu précède et que l’autre suive, comme l’ombre suit le corps. Faire de la vertu, de ce qu’il y a de plus relevé au monde, la servante de la volupté, c’est l’œuvre d’un esprit incapable de toute idée grande. Que la vertu aille en tête, qu’elle porte l’étendard ; nous n’en aurons pas moins la volupté, mais nous en serons