Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/62

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et as-tu des biens que tu n’as jamais vus ? C’est une honte que d’être négligent au point de ne pas pouvoir connaître un petit nombre d’esclaves, ou fastueux au point d’en posséder un nombre tel que la mémoire est impuissante à en garder la connaissance. » J’aiderai tout à l’heure à ces reproches et m’en ferai plus que l’agresseur ne pense : ici je répondrai seulement : Je ne suis pas un sage, et pour donner pâture à ta jalousie, je ne le serai jamais. Ce que j’exige de moi, c’est d’être, sinon l’égal des plus vertueux, du moins meilleur que les méchants ; il me suffit de me défaire chaque jour de quelque vice et de gourmander mes erreurs. Je ne suis point parvenu à la santé, je n’y parviendrai même pas : ce sont des lénitifs plutôt que de vrais remèdes que j’élabore pour ma goutte, heureux si ses accès deviennent plus rares, si je sens moins ses mille aiguillons. Mais à comparer mes jambes aux vôtres, tout infirme que je suis, je suis un coureur !


XVIII. Encore n’est-ce pas pour moi que je dis cela, pour moi qui suis plongé dans l’abîme de tous les vices ; c’est pour quiconque a déjà fait quelques progrès. « Autre est mon langage, autre ma conduite ! » Hommes pétris de malignité et ennemis des plus pures vertus, on a fait le même reproche à Platon, on l’a fait à Épicure, on l’a fait à Zénon. Tous ces