Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/510

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plus spécieuse que juste ; car Jocaste ne l’aimait pas comme fils, mais comme époux, ne sachant pas qu’elle était sa mère.

Page 249. Le vois-tu, ma fille ? moi, je le vois. « C’est ici ! oui, c’est ici, je le sens ! dis-moi, l’ombre de Laïus n’est-elle pas assise sur ce rocher ? — Non, répondit Antigone, l’ombre de Laïus n’est point assise sur ce rocher.— Ah ! je la vois, reprenait Œdipe, je la vois ! grande, terrible ; une large blessure, des torrens de sang qui en découlent etc. (Ballanche, Antigone, liv. ii.)

Qui n’as de force que contre une partie de toi-même. Œdipe, an lieu de s’ôter la vie, ne s’est arraché que les yeux. Il se plaint ici de son peu de courage qui ne lui a permis de se punir que dans une partie de lui-même.

Retire-toi, ma fille, retire-toi vierge encore. L’auteur, quel qu’il soit, de cette tragédie, serait fâché d’omettre aucune des idées que la situation peut fournir à un esprit sans règle. Il est certain qu’un homme qui sciemment serait devenu l’époux de sa mère, pourrait aussi bien attenter à l’honneur de sa fille. Mais il n’y a pas le même danger pour Œdipe, qui n’a pris Jocaste pour épouse, que parce qu’il ne la connaissait pas pour sa mère. Il connaît sa fille, et l’appelle par son nom ; le même crime est donc impossible pour lui, puisque les circonstances ne sont plus les mêmes. Cette crainte qu’il témoigne ne peut être expliquée que par te désordre de ses idées, et par l’horreur qu’il a conçue contre lui-même.

Aucune puissance, ô mon père, ne détachera ma main de la vôtre. Ce langage d’Antigone est simple, noble et touchant. L’auteur de cette pièce ne manquait pas de génie pour écrire, mais il ne savait pas s’arrêter. Antigène parle bien mieux qu’Œdipe, parce qu’elle ne parle pas aussi long-temps. Voici quelques traits de son discours imités par Ducis :

Vos ennuis sont les miens ma douleur est la vôtre :
Nous seuls nous nous restons consolés l’un par l’autre.
L’univers nous oublie ; ah ! recelons du moins,
Moi vos tristes soupirs, et vous mes tendres soins.
Que Thèbe à vos deux fils offre un trône en partage :
Vous suivre et tous aimer, voilà mon héritage.
(Œdipe chez Admète, acte iii, sc. 2.)