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fils de Laïus, Œdipe lui raconte à son tour la réponse d’Apollon consulté par lui sur le mystère de sa naissance.

JOCASTE.

Je me jetai craintive aux pieds de la prêtresse ;
Voici ses propres mots : · · · · · · · ·
« Ton fils tuera son père, et ce fils sacrilège,
« Inceste et parricide. · · · · ·  »

ŒDIPE.

Cette voix m’annonça, le croirez-vous madame ?
Tout l’assemblage affreux des forfaits inouis
Dont le ciel autrefois menaça votre fils,
Me dit que je serais l’assassin de mon père,
· · · · · · · · Que je serais le mari de ma mère, etc.

(Voltaire, Œdipe, acte iv, sc. 1.)

La position d’Œdipe, qui, sans savoir encore qu’il est fils de Laïus, se voit menacé des crimes annoncés au fils de Laïus, et qui se rappelle en ce moment même d’avoir tué deux guerriers sur les confins de la Béotie, est assurément la situation la plus dramatique et la plus effrayante qui soit au théâtre.

Page 9. C’est cette crainte seule qui m’a chassé des états paternels. Voltaire dit la même chose sans parler du motif qui avait porté Œdipe à consulter l’oracle sur le mystère de sa naissance. Nous le trouvons dans Sophocle : « Fils de Polybe, roi des Corinthiens, et de la reine Mérope, son épouse, j’ai tenu le premier rang à Corinthe ; j’en étais l’espérance, quand il m’arriva une aventure propre à me surprendre, peu digne pourtant des soucis qu’elle me coûta. Un homme pris de vin eut l’audace de me reprocher que je n’étais pas fils du roi et de la reine… Outré d’un affront si sanglant, j’eus peine à retenir ma colère… Je pars, je vais au temple de Delphes etc. » (Sophocle, Œdipe-Roi, act. iii, sc. 2.)

Quand l’homme tremble à l’idée d’un crime. Cette pensée est effrayante, mais elle est vraie, et surtout convenable dans la bouche d’Œdipe, qu’une fatalité mystérieuse enveloppe ; et qui, malgré sa vertu se trouve à la fin coupable des deux plus grands crimes qu’un scélérat puisse commettre. On verra plus bas, acte iv,