Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/337

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clairement la valeur du verbe incidere opposé à venire. « Non, ut putamus incidunt cuncta, sed veniunt. » (Seneca, de Provid.) « Quod in id republicæ tempus non incideris sed veneris ; judicio enim, non casu, etc. (Cic., Epist. ad. div., ii, 7.) Le verbe venire exprime donc un enchaînement et une suite dans les pensées de l’homme, ou dans les évènemens humains ; les idées de hasard et de surprise s’expriment par le verbe incidere.

Page 9. Malheureux enfant que je suis ! Il est difficile de faire bien comprendre le sens de ces mots : Pro, misera pieas ! cela veut dire, en style moins noble : « Malheureux que je suis dans mes affections de famille ! »

Apollon m’annonce un hymen abominable. Il est inutile de faire observer combien la manière dont Œdipe raconte la prédiction de l’oracle, dans la pièce de Voltaire, est plus dramatique et plus animée. Sénèque a tort, selon nous, de mêler à la description de la peste de Thèbes, l’exposé de ses propres craintes ; c’est diviser l’intérêt, que de joindre à l’effet simple et naturel du récit qui ouvre la pièce, le problème confus de la destinée d’Œdipe. Sophocle n’est point tombé dans cette faute : son exposition se fait devant une partie du peuple de Thèbes, qui vient appeler sur ses maux l’attention de son roi. Œdipe répond qu’il n’a pas attendu cet appel pour chercher le remède a ces maux : Créon est allé, par son ordre, consulter l’oracle de Delphes ; et, jusqu’au retour de ce prince, il n’est question que du fléau qui dévore la ville. Ce n’est que sur la réponse de l’oracle, qui ordonne de punir l’assassin de Laïus, que cette intrigue si compliquée se déroule jusqu’à ce que la vérité se fasse reconnaître. Sénèque ne dit point d’ailleurs quand et comment le successeur de Laïus a été menacé du parricide et de l’inceste. Dans le poète grec, au contraire, cette prédiction avait été faite à Laïus lui-même de sorte qu’Œdipe se trouve à la fois reconnu pour le fils du roi et pour son meurtrier : cette marche nous paraît beaucoup plus simple et mieux enchaînée.

Il fallait dire aussi pourquoi Œdipe avait été condamné à mourir, et par suite exposé sur le Cithéron. Sénèque oublie d’en parler. Voltaire a fort habilement ménagé ce puissant ressort de son intrigue : après avoir appris de Jocaste la destinée promise au