Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/372

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modèle. Racine, qui a aussi imité Virgile, dans le songe d’Athalie, a introduit, dans le lieu commun des apparitions, une circonstance toute nouvelle, et qu’on n’a pas assez expliquée du point de vue de l’art et de la vérité. Dans Virgile, Hector parait triste et changé ; dans Racine, au contraire, Jésabel se montre, comme au jour de sa mort, pompeusement parée : que faut-il penser de cette différence, et lequel a raison du poète français ou du poète romain ?

Page 159. Voilà bien le visage de mon Hector. Tout ce discours d’Andromaque est un modèle de grâce touchante, et de sensibilité maternelle. Si Sénèque écrivait toujours ainsi, sa gloire serait grande parmi les poètes tragiques de tous les pays. Malheureuse- ment nous le verrons bientôt gâter ce beau rôle de mère, qui, jusqu’ici, n’a fait que s’embellir entre ses mains, et dont Racine a pris ces traits si touchans :

C’est Hector, disait-elle, en l’embrassant toujours ;
Voilà ses yeux, sa bouche, et déjà son audace ;
C’est lui-même, oui c’est toi, cher époux, que j’embrasse.
(Andromaque, acte ii, sc. 5.)

Voici le passage d’Euripide que notre auteur a imité, mais embelli :

« O mon fils, ô doux objet de ma tendresse, tu vas périr par une main ennemie, tu vas abandonner ta mère désolée. La vertu de ton père est ta mort, cette vertu qui fut le salut de tant d’autres. C’est donc un malheur pour toi d’être né d’un héros. Funeste hymen ! Sainte couche nuptiale ! Lorsque j’entrai dans le palais d’Hector, aurais-je pu penser qu’en lui donnant un fils, j’offrais aux Grecs une victime, et non pas un maître à l’opulente Asie ? Mon fils, je vois couler tes pleurs, tu sens les maux qu’on te prépare. Pourquoi tes mains m’embrassent-elles ? pourquoi t’attacher à ma robe, et te réfugier, comme un oiseau timide, sous l’aile de ta mère, etc. » (Eurip., Hécube, acte ii, sc. 2.)

Page 163. Viens, entre dans le tombeau de ton père. L’idée de cacher Astyanax dans le tombeau d’Hector, n’est point empruntée d’Euripide, dont la fable est beaucoup plus simple. Elle nous semble très-belle, et d’un grand effet dramatique. Châteaubrun