Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/380

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Page 221. C’est une ressemblance de plus avec son père. Tout se ressemble dans ce malheureux cinquième acte. Cette réflexion de la mère à qui l’on vient de montrer la cervelle de son fils répandue, est du même goût que le reste.

Page 223. Mais elle se tourne vers Pyrrhus. Ce récit vaut mieux que l’autre de beaucoup ; il est imité d’Euripide, qui a le bon sens, d’insister davantage sur l’objet principal, et moins sur les accessoires :

Dans la main de Pyrrhus déjà le glaive brille ;
Ses regards m’ordonnaient de saisir votre fille.
Arrêtez, nous dit-elle, ô vainqueurs des Troyens !
Prêts à mêler mon sang avec le sang des miens,
Épargnez-moi du moins un inutile outrage.
Ma mort doit être libre, et j’aurai le courage
De présenter au glaive et ma tête et mon sein.
Sur la fille des rois ne portez point la main.
Polyxène, acceptant un trépas qu’elle brave,
Ne veut point aux enfers porter le nom d’esclave.
Elle dit : mille voix parlent en sa faveur.
Agamemnon lui-même, admirant son grand cœur,
Souscrit à sa demande, et veut qu’on se retire.
Polyxène l’entend : elle arrache et déchire
Les voiles, ornemens de sa virginité,
Et de son sein d’albâtre étalant la beauté,
Elle tombe à genoux : Pyrrhus, frappe ! dit-elle
Frappe, j’attends tes coups. — Il se trouble, il chancelle ;
La victime à ses pieds, l’aspect de tant d’appas,
La pitié quelque temps semble arrêter son bras.
Mais Achille l’emporte en cette âme hautaine,
Il enfonce le fer au cœur de Polyxène,
Le retire fumant : le sang jaillit au loin.
Elle tombe expirante, et par un dernier soin,
Elle rassemble encor la force qui lui reste,
Pour n’offrir aux regards qu’une chute modeste.
Elle meurt…

(EURIP, Hécube, acte V, traduct. de La Harpe.)