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NOTES SUR MÉDÉE


Acte Ier. Page 233. Dieux de l’hymen, et toi, Lucine. Ce monologue nous paraît aussi bien placé au commencement de cette pièce, que celui d’Œdipe nous a paru mal-à-propos au premier acte de la tragédie de ce nom. La violence de Médée, son amour méprisé, sa puissance mystérieuse devaient frapper d’abord l’esprit des spectateurs : c’est sur elle que roule ici la pièce tout entière. Créuse ne paraît pas : Jason, Créon, ne jouent qu’un rôle presque passif, et tournent tous deux autour du principal personnage. Ce monologue était donc nécessaire pour mettre le spectateur au fait, par l’annonce énergique de tout ce qui doit arriver, sans, néanmoins, que le dénoûment soit trop prévu. Le grand Corneille a imité ou traduit, dans sa Médée, ce morceau brillant. On sait combien son mâle génie sympathisait avec l’emphase vigoureuse et la hauteur espagnole des deux poètes de Cordoue, Sénèque et Lucain. Voici son imitation :

Souverains protecteurs des lois de l’hyméanée,
Dieux garans de la foi que Jason m’a donnée,
Vous qu’il prit à témoin d’une immortelle ardeur,
Quand, par un faux serment, il vainquit ma pudeur ;
Voyez de quel mépris vous traite son parjure ;
Et m’aidez à venger cette commune injure.
S’il me peut aujourd’hui chasser impunément,
Vous êtes sans puissance ou sans ressentiment.
Et vous, troupe savante en noires barbaries,
Filles de l’Achéron, spectres, larves, furies,
Fières sœurs, si jamais notre commerce étroit
Sur vous et vos serpens me donna quelque droit,