Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

point votre main. Malgré votre défense et malgré vous, mon père je vous servirai de guide et dirigerai vos pas. Descendez-vous dans la plaine ? J'y vais. Voulez-vous gravir la montagne ? Loin de vous en empêcher, je marcherai devant vous. Allez où vous voudrez : je vous y conduirai. Quelque chemin que vous preniez, nous le suivrons ensemble. Vous ne pouvez mourir sans moi ; avec moi vous le pouvez. Près de nous s'élève un mont escarpé qui a pour horizon la vaste étendue des flots. Voulez-vous que nous y montions ? Ici pend une roche nue. Là est un gouffre béant. Voulez-vous y descendre ? Plus loin tombe un torrent rapide qui roule dans ses eaux les débris de la montagne. Courons nous y précipiter. J'y consens, pourvu que je vous précède. Je ne vous en détourne ni ne vous y engage. Voulez-vous périr, ô mon père, et la mort est-elle devenue le plus cher de vos vœux ? Je mourrai avant vous, si vous mourez ; si vous vivez, je ne vous quitte plus. Mais calmez-vous : rappelez votre ancienne énergie, et triomphez courageusement de vos douleurs, comme vous l'avez fait jusqu'ici. Déployez votre grand cœur. Succomber dans un si grand mai est le pire des maux.


Œdipe. — Comment une âme si pure s'est-elle rencontrée dans une famille maudite ? Comment cette enfant diffère-t-elle de sa race ? La vertu dans une fille d'Œdipe ! Ô Fortune, le croiras-tu ?