Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/149

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qui cultivez les riches campagnes de la Béotie, prêtez-moi une oreille attentive. Le Sphinx, ce fléau de Thèbes, ce monstre si habile à combiner des énigmes funestes, en a-t-il jamais proposé une semblable à la mienne et aussi inexplicable? Un homme, gendre de son aïeul et rival de son père, frère de ses enfants et père de ses frères ; une femme, à la fois mère et aïeule, qui dans un même instant donne des enfants à son mari, et à elle-même des petits-enfants. Qui trouvera le mot de cette affreuse énigme ? Moi-même, moi le vainqueur du Sphinx, j'hésiterais, je serais lent à expliquer ma propre destinée.

Pourquoi parler en vain ? Pourquoi chercher par tes prières à ébranler mon cœur ? Mon parti est pris : je veux me délivrer enfin de ce souffle qui lutte depuis trop longtemps contre la mort ; je veux entrer dans la nuit. Car celle qui couvre mes yeux n'est pas assez noire pour mon crime : c'est dans la nuit du Tartare que je veux me cacher, ou dans une autre plus profonde encore, s'il en est une. Mon désir enfin s'accorde avec mon devoir. On ne peut m'empêcher de mourir. Refuse-moi une épée, ferme devant moi tous les précipices, empêche-moi de serrer autour de ma gorge un nœud fatal, éloigne de moi les herbes qui donnent la mort. A. quoi te serviront tous ces soins ? La mort est partout,