Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/150

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grâce à la bonté des dieux. Tout le monde peut ôter la vie à un homme ; personne ne peut lui ôter la mort. Mille chemins y conduisent.

Je ne demande rien. Ma main seule n'a-t-elle pas suffi de tout temps à ma volonté ? Viens donc, ô mon bras, avec toute ta force, toute ta douleur, toute ta colère. Ce n'est pas un seul endroit que je veux frapper en moi. Toute ma personne est coupable. Fais donc entrer la mort par où tu voudras. Brise mon corps, arrache mon cœur capable de contenir tant de crimes, déchire tous les tissus qui enveloppent mes entrailles. Que ma poitrine éclate sous tes coups multipliés. Enfonce tes ongles dans mes veines, et fais couler mon sang ; ou bien frappe un endroit déjà connu : rouvre les blessures cicatrisées de mes yeux, et qu'un sang noir en ruisselle. C'est par là qu'il faut tirer de mon corps cette vie opiniâtre que je n'en puis chasser.

Et toi, mon père, où que tu sois, préside à mon supplice. Je n'ai point cru expier d'un seul coup un aussi grand crime ; cette mort partielle que je me suis infligée ne m'a point satisfait, et je n'ai point voulu me racheter à ce prix : je voulais seulement mourir en détail pour apaiser tes mânes. Reçois enfin ce qui t'est dû. C'est maintenant que je m'acquitte ; c'est maintenant que je m'offre comme victime expiatoire. Viens, pousse cette main trop