Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/172

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Va, mon fils, et pars pour une guerre où ton père et ta mère feront des vœux pour le succès de tes armes. Un trône souillé par un fratricide est pire que le plus triste exil. Songe aux maux de la guerre et à ses chances hasardeuses. Quand tu amènerais avec toi toutes les forces de la Grèce, quand tes bataillons inonderaient nos champs, l'issue des combats est toujours incertaine : elle dépend des caprices de Mars. L'épée égalise les adversaires les plus inégaux. L'espérance et la crainte se balancent au gré de l'aveugle Fortune. Le but que tu poursuis est douteux, le crime seul est assuré. Suppose que tous les dieux ont comblé tes désirs. Tes concitoyens ont fui devant toi, vaincus et dispersés. Leur ruine est complète, tes soldats couvrent les campagnes. Eh bien ! dans l'ivresse de la victoire, chargé des dépouilles de ton frère tombé sous tes coups, il te faudra briser tes palmes. Quel nom donneras-tu à une guerre où la joie du vainqueur devient un forfait exécrable ? Malheureux ce frère que tu veux vaincre, tu pleureras sa défaite. Renonce donc à cette guerre fatale, dissipe les alarmes de ta patrie, sèche les pleurs de ta famille.


Polynice. — Eh quoi ! Mon frère dénaturé ne porterait point la peine de son parjure et de son crime ?


Jocaste. —