Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/12

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luxe et de la débauche ; de là, le sort paisible de l’homme des champs envié au sein de grandeurs périlleuses : tout cela, déclamations philosophiques, il est vrai, mais expression aussi de sentiments réels ; peintures énergiques de celte société romaine alors si cruellement travaillée par toutes les misères du luxe, du despotisme et du crime : « Rien, a dit excellemment, dans un morceau remarquable sur Sénèque, Eugène Greslou, esprit d’une rare distinction, enlevé si jeune aux espérances des lettres, rien ne peint mieux l’état violent de la société romaine que certaines descriptions que nous n’oserions citer à cause de l’horreur et du dégoût qu’elles inspirent. On se demande en les lisant quel devait être le peuple qui avait besoin de pareilles images pour se sentir vivre et s’émouvoir. Le supplice volontaire d’Œdipe, le festin d’Atrée, l’inventaire des membres d’Hippolyte fait sur le théâtre par son père, nous semblent marquer le dernier terme de la dégradation romaine, ou plutôt de la corruption de l’ancien monde. »

Ainsi donc la différence naturelle du caractère grec et du caractère romain, singulièrement augmentée par le débordement de ces vices que, sous l’empire, avaient fait naître et avaient développés les monstruosités du luxe, les incertitudes du lendemain et la souveraine licence de toutes les passions, cette différence seule explique comment les personnages du théâtre de Sénèque ne ressemblent en rien à ceux du théâtre grec ; d’autres causes s’ajoutèrent encore à cette cause première. Jamais, même au siècle d’Auguste, le génie latin n’avait eu la simplicité, le na-