Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/13

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turel et ce que l’on a justement appelé l’innocence de diction des Grecs. Après Auguste, ce fut bien pire : l’enflure espagnole se joignit à la pompe romaine ; c’était déjà un grand mal, mais ce mal s’aggrava encore de l’exagération stoïcienne. Le stoïcisme envahit et teint de ses couleurs toute la littérature de ce temps : il lui communique sa roideur et ses sombres fiertés ; c’est le stoïcisme qui parle par la bouche des personnages de Sénèque, qui prononce tant de sentences philosophiques, se plaît dans des monologues interminables, et se répand en descriptions oiseuses et sentimentales. Mais ce qui, au point de vue de l’art, est un grave défaut, au point de vue historique est une marque précieuse. Car Sénèque, on n’en peut douter, a mis dans ses tragédies ses impressions personnelles en même temps que celles de ses contemporains. On peut le reconnaître surtout dans la première scène du second acte de Thyeste. C’est là, au milieu de tant de défauts, d’invraisemblances, de sentiments factices, de traits révoltants, l’intérêt de son théâtre. Ce n’est pas, il s’en faut, le dessin pur et la lumière transparente de la tragédie grecque, non ; ils ne s’y pouvaient librement jouer. Sénèque l’a bien compris. C’est rarement à Sophocle qu’il a demandé des sujets et des modèles ; il s’est adressé à celui des tragiques grecs qui, grand encore, mais moins parfait, a en lui quelques signes de décadence : Euripide est son guide préféré.

Imitateur, Sénèque a cependant un coin original. Si, par le défaut d’action, par l’exagération des caractères, la boursouflure du style, l’emphase des sen-