Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/30

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la reine des vierges guerrières ; et ses mains, si ardentes aux plus nobles travaux, n’ont point dédaigné de purifier les étables d’Augias.

Mais quel est le prix de tant d’exploits ? Il ne jouit pas de ce monde qu’il a défendu. La terre sent aujourd’hui l’absence du héros qui lui a donné la paix. Le crime heureux et triomphant s’appelle vertu ; les bons obéissent aux. méchants, le droit est dans la force, et la terreur fait taire les lois. J’ai vu de mes yeux périr, sous une main barbare, des princes, nobles soutiens du trône de leur père, et succomber les derniers rejetons de la noble race de Cadmus. J’ai vu tomber la tète et la couronne d’un roi. Qui pourrait assez pleurer les malheurs de Thèbes ? Terre féconde en dieux, sous quel maître trembles-tu maintenant ? toi dont les fertiles campagnes firent croître une moisson de guerriers en armes ; toi dont le fils de Jupiter, Amphion, bâtit les murs aux sons harmonieux de sa lyre qui attirait les pierres ; toi pour qui le père des dieux a plus d’une fois déserté le ciel ; toi qui as reçu des divinités, qui en as produit, et qui (j’ose le dire) en produiras peut-être encore, tu rampes sous un joug infâme. Descendants de Cadmus, cité d’Amphion, dans quel abîme êtes-vous retombés ! Vous tremblez devant un fugitif sans cœur, chassé de son pays,