Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/36

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et de son reflux pour baigner d’un flot paisible le rivage de l’Eubée. Tu m’as ravi mon père, ma couronne, mes frères, mes foyers, ma patrie. Que me reste-t-il encore ? Un bien plus précieux que mon père, mes frères, ma couronne et mes foyers, la haine que je te porte. Je regrette que tout un peuple doive la partager avec moi : la part qui m’en reste s’en trouve affaiblie. Règne avec insolence ; élève bien haut l’orgueil de tes pensées : un dieu vengeur s’attache aux pas des hommes superbes. Je connais la destinée des rois de Thèbes. Faut-il rappeler les attentats commis ou soufferts par des reines ? le double crime d’Œdipe qui confondit en sa personne les noms d’époux, de fils et de père ? et le camp des deux frères ennemis, et leurs deux bûchers ? La douleur a changé en pierre la superbe fille de Tantale qui, tout insensible qu’elle est, verse encore des pleurs sur le mont Sipyle. Que dis-je ? Cadmus lui-même, dressant une crête menaçante, et obligé de fuir à travers les champs de l’Illyrie, a laissé partout sur la terre l’empreinte de ses replis tortueux. Voilà le sort qui t’attend. Règne au gré de ton caprice, pourvu que tu succombes sous la fatalité qui pèse sur ce royaume.

lycus. — Épargnez-vous ces discours pleins de fiel, et apprenez, par l’exemple d’Hercule, à respecter l’autorité des rois. Quoique je porte un sceptre conquis par mon bras victorieux, et