Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/9

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qu’elle eût reçu plus particulièrement l’heureuse influence de ce riant climat de la Grèce où tout disposait au calme et à l’harmonie des sentiments. Pour peindre leurs héroïnes, les tragiques grecs n’ont eu, pour ainsi parler, qu’à regarder autour d’eux, comme pour peindre le type de la beauté Zeuxis n’eut qu’à copier les vierges pures et nobles qui vinrent avec empressement s’offrir à ses yeux. Il n’en est point ainsi à Rome. Même à ses meilleurs temps, aux jours de la pureté républicaine, la femme romaine n’a point cette grâce qui touche et plaît dans la femme grecque ; elle inspire le respect, elle ne charme pas l’imagination ; c’est toujours une matrone. L’histoire romaine peut offrir une Lucrèce : elle ne présente pas d’Antigone. La femme romaine a pour elle la vigueur du caractère et la noblesse de sentiments ; ses vertus sont viriles plus qu’aimables : plus courageuse que tendre, elle sait mourir, elle ne sait pas se dévouer. Ainsi, même alors, elle dépassait cette mesure où la Melpomène grecque aime à saisir et à peindre ses héroïnes. Que sera-ce si, ajoutant à cette hauteur naturelle, exagérant cette force, ou plutôt la corrompant, l’empire, avec son luxe et ses débauches, vient offrir à la femme romaine, jusque-là durement tenue en esclavage, l’occasion et les moyens de s’affranchir violemment ? si ces caractères longtemps comprimés peuvent, dans la licence générale, se relever de toute leur impétuosité naturelle ? On aura alors les Livie, les Agrippine, les Messaline ; des femmes-ardentes au crime, inassouvies dans la passion, épouses adultères, marâtres