Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/96

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digne d’Atrée : chacun d’eux en aura sa part. Un repas abominable a été servi dans le palais du roi de Thrace… C’est un crime horrible, je l’avoue ; mais un autre l’a commis avant moi. Il faut que ma fureur imagine quelque chose de plus exécrable encore. Philomèle et Procné, inspirez-moi. Notre cause est la même : aidez-moi et dirigez ma main… Il faut qu’un père déchire avidement et avec joie ses enfants, qu’il mange ses propres membres. C’est bien ; c’est assez : ce genre de supplice me plaît ; j’en suis content. Où est-il ? Mon innocence me pèse. Toutes les images du crime que je dois commettre sont déjà devant mes yeux : je vois ces enfants dévorés par leur père. Atrée, pourquoi ce retour de crainte ? pourquoi cette défaillance, avant l’action. Allons, du courage. D’ailleurs ce qu’il y a de plus épouvantable dans ce crime c’est lui qui le fera.

le garde. — Mais par quel artifice ramènerez-vous dans vos filets ? Il croit que tout lui est ennemi.

atrée. — On ne pourrait le tromper, s’il ne cherchait à tromper lui-même. Il convoite mon royaume, et ce désir lui ferait affronter la foudre de Jupiter, ce désir le pousserait au milieu d’une mer orageuse, et à travers les Syrtes d’Afrique ; ce désir, enfin, lui