testament. Il est vrai que Retz, qui aimait beaucoup madame
de Grignan, et était le parrain d’un de ses enfants, de Pauline
de Simiane, voulait léguer tous ses biens à celle qu’il appelait
sa chère nièce ; mais il ne paraît pas qu’il eût changé de résolution, malgré la maussaderie de cette chère nièce, et le refus
blessant, qu’entre autres procédés peu aimables, elle avait fait
d’un présent (c’était une certaine cassolette) qu’il voulait lui
faire accepter. La mort le surprit avant qu’il eût pu régler ses
affaires. Mais ce qui prouve que madame de Sévigné ne pensait pas que ses intentions ne fussent plus les mêmes, c’est
qu’elle indique, dans deux de ses lettres[1], que sa mort fit perdre
une grande fortune aux enfants de madame de Grignan. Ce ne
fut point, du reste, la perte d’un bel héritage qu’elle pleura
dans cette mort d’un homme qu’elle aimait depuis trente ans.
« Vous savez, écrivait-elle à Bussy, le 25 août 1679, combien
il étoit aimable et digne de l’estime de tous ceux qui le connoissoient. Son amitié m’étoit également honorable et délicieuse.
Huit jours de fièvre continue m’ont ôté cet illustre ami. J’en
suis touchée jusqu’au fond du cœur. » Le même jour, dans
une lettre à M. de Guitaut, l’expression de sa douleur n’était
pas moins vive.
Sa correspondance avec le cardinal eût été bien intéressante à connaître. Avec un correspondant d’un tel esprit elle devait être en verve, et parler librement de bien des personnes et de bien des choses. « Je reçois souvent, écrivait-elle à sa fille, en 1675, de petits billets de ce cher cardinal. Je lui en écris aussi. Je tiens ce léger commerce très-mystérieux et très-secret ; il m’en est plus cher[2]. » Ce mystère peut donner à penser que la conversation était piquante. Madame de Sévigné l’amusait sans doute par la peinture de cette comédie du monde, dont il était alors un acteur retiré, mais où il avait longtemps joué son rôle avec un art si consommé. L’entretien devait souvent aussi rouler sur les ouvrages d’esprit. Car il ne pouvait manquer de s’y intéresser encore, comme au temps où madame de Sévigné raconte que, pour le divertir, on ne pouvait faire rien de mieux pour son service que de rassembler