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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


votre amitié très-bien placée ; mais je n’insiste sur rien, car vous savez vos affaires[1]. » Ce petit ressentiment ne l’empêchait pas d’écrire à peu près chaque jour, malgré les douches et les purgations, de longues et charmantes lettres à sa fille ; et, comme celle-ci la suppliait de ne point détruire les bons effets des eaux, et de ne pas fatiguer sa main encore malade par tant d’écritures : « Allez vous promener, lui répondait-elle, madame la comtesse, de venir me proposer de ne vous point écrire ; apprenez que c’est ma joie et le plus grand plaisir que j’aie ici... Si les médecins, dont je me moque extrêmement, me défendoient de vous écrire, je leur défendrois de manger et de respirer, pour voir comme ils se trouveroient de ce régime. »

Le 13 juin, madame de Sévigné quittait Vichy ; le 28, elle était de retour à Paris. Le chagrin qu’elle avait eu de ne pas voir madame de Grignan à Vichy était oublié, parce qu’elle espérait maintenant n’avoir pas longtemps à l’attendre à Paris. M. de Grignan devait se rendre à Lambesc, vers le mois de septembre, pour l’ouverture de l’assemblée des communautés. Madame de Sévigné demandait à sa fille de l’y laisser aller tout seul, et de profiter de ce moment pour la venir trouver, afin de ne pas avoir à faire pendant l’hiver un si long voyage. Elle avait la confiance que cette proposition, où elle trouvait « toutes les raisons de tendresse, de commodité et de bienséance, » ne manquerait pas d’être adoptée, parce que madame de Grignan lui avait écrit qu’elle se réglerait sur ses décisions. C’était toutefois sous la forme d’une prière que madame de Sévigné lui traçait son plan, et elle lui écrivait : « Songez-y, ma fille, et faites de l’amitié que vous avez pour moi, le chef de votre conseil. » Le consentement que M. de Grignan donnait, pouvait faire croire que tout était réglé. Cependant, lorsque le moment approcha, madame de Grignan parut irrésolue ; sa mère insista plus fortement qu’elle ne l’avait encore fait ; elle avoua que c’était pour elle-même qu’elle avait sollicité cette avance de deux mois sur le voyage, et pour avoir plus tôt sa fille, bien plus que pour lui épargner la fatigue des mauvais chemins au mois de décembre. Madame de Grignan parut se rendre ; sa mère, dans une lettre du 14 octobre, lui écrivit pour la remercier de sa complaisance. Elle ne doutait

  1. Lettre du 28 mai 1676.