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NOTICE BIOGRAPHIQUE

Nous retrouverons Charles de Sévigné, au temps de son mariage ; il faut maintenant revenir sur ce que nous avons différé de raconter dans ces dernières années, où il a été pour un moment le principal objet de notre récit.

Lorsque madame de Sévigné revint des Rochers à Paris, au mois d’avril 1676, après sa longue maladie, elle se proposait d’aller bientôt à Bourbon ou à Vichy, pour achever sa guérison. C’était faire la moitié du chemin qui la séparait de Grignan ; elle n’espérait point cependant de pouvoir elle-même pousser jusqu’en Provence, parce que le bon abbé redoutait un voyage d’été dans un tel climat, et que, dans l’âge où il était, elle ne se croyait pas permis de le quitter ; mais son rêve était que sa fille, au lieu d’attendre l’hiver pour la venir voir avec M. de Grignan, devançât de quelques mois son mari, la rejoignît aux eaux et la ramenât à Paris ou à Livry. Elle écrivait à sa fille qu’elle devait cela à son amitié et à l’état où elle avait été. « Voilà, disait-elle, comme on fait une visite à une mère que l’on aime, voilà le temps que l’on lui donne, et comme on la console d’avoir été bien malade. » Cependant lorsqu’elle partit pour Vichy le 11 mai 1676, elle ne conservait plus l’espoir d’une consolation si chère. Madame de Grignan consentait, il est vrai, à venir passer quelques jours auprès d’elle, mais pour retourner aussitôt en Provence, parce que ses affaires ne lui permettaient point encore un voyage à Paris. Madame de Sévigné n’accepta pas, voulant lui épargner cette fatigue pour une si courte entrevue, et blessée d’ailleurs, suivant sa coutume, de la trop grande sagesse de sa fille. Ce qui lui fut surtout pénible, ce fut que M. de Grignan ne faisait aucune objection au projet que sa femme seule jugeait déraisonnable. « C’est donc vous, ma fille, disait madame de Sévigné, au moment de quitter Paris, c’est vous qui me refusez de venir passer ici avec moi l’été et l’automne, ce n’est point M. de Grignan… Il faut que vous trouviez dans la proposition que je vous ai faite des impossibilités que je ne vois pas aussi bien que vous[1]. » Elle lui adressait, quelques jours après, de Vichy, des reproches encore plus marqués : « Si au lieu de tant philosopher, vous m’eussiez, franchement et de bonne grâce, donne le temps que je vous demandois, c’eût été une marque de

  1. Lettre du 4 mai 1676.