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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


inspirer des regrets le jour où il y fallait renoncer[1]. Elle faisait comme l’oraison funèbre de cette souveraineté défunte, mais à la manière d’un héritier qui prend assez gaiement le deuil : sa réunion pour toujours à sa fille était l’héritage qui allait lui échoir. Dans son impatience de le recueillir, chacune de ses lettres pressait l’arrivée de madame de Grignan. M. de Vendôme ne se hâtait pas beaucoup de faire son entrée dans son gouvernement ; il se divertissait en route, courait le cerf à Orléans, et paraissait devoir laisser à M. de Grignan l’honneur d’ouvrir à Lambesc l’assemblée de 1680. Madame de Sévigné représentait à sa fille que si elle ne voulait partir pour Paris qu’avec lui, les mauvais temps de l’hiver viendraient. Madame de Grignan céda aux instances de sa mère et arriva au mois de novembre. Le lieutenant général, comme on l’avait prévu, dut rester pour l’assemblée des communautés, qui avait été convoquée au 20 novembre, et fut différée jusqu’au 5 du mois de décembre, afin d’attendre l’arrivée du duc de Vendôme[2]. M. de Grignan se ruinait, pour la réception du gouverneur, en préparatifs qui se trouvèrent inutiles pour le moment. Le duc, retardé par ses plaisirs ou par une maladie réelle, qui, disait-on, l’avait retenu à la Charité[3], laissa au lieutenant général le soin de la tenue de l’assemblée. Soit qu’elle ne crût pas beaucoup à une prise de possession effective et durable du gouvernement de Provence par le duc de Vendôme, ou que les grandeurs de la vie de Grignan eussent encore des charmes pour elle, même dans le rang subalterne où elle allait être réduite, madame de Grignan s’occupait déjà, en partant, de son prochain retour, tandis que sa mère ne voyait pas ce qui pourrait désormais l’obliger à quitter Paris. Si madame de Grignan pensait que M. de Vendôme ne ferait pas un long séjour dans son gouvernement, elle ne se trompait pas ; et madame de Sévigné ne se trompait pas tout à fait non plus dans son espérance d’une longue réunion à sa fille. Celle-ci ne retourna plus du moins en Provence qu’au mois d’octobre 1688. Mais il ne faudrait pas

  1. Lettre du 18 août 1680.
  2. Abrégé des délibérations de l’assemblée générale des communautés du pays de Provence. Année 1680. À Aix, chez David.
  3. Ibid.