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1664

Il a dit : « Qu’on fasse entrer Foucquet, » et puis il s’est repris : « M.  Foucquet ; » mais il s’est trouvé qu’il n’avoit point dit qu’on le fît venir ; de sorte qu’il étoit encore à la Bastille. On l’est donc allé querir ; il est venu à onze heures. On l’a interrogé sur les octrois : il a fort bien répondu ; pourtant il s’est allé embrouiller sur certaines dates, sur lesquelles on l’auroit fort embarrassé, si on avoit été bien habile et bien éveillé ; mais, au lieu d’être alerte, M.  le chancelier sommeilloit doucement[1]. On se regardoit, et je pense que notre pauvre ami en auroit ri s’il avoit osé. Enfin il s’est remis, et a continué d’interroger ; et M.  Foucquet, quoiqu’il ait trop appuyé sur cet endroit où on le pouvoit pousser, il se trouve pourtant que par l’événement il aura bien dit ; car dans son malheur il a de certains petits bonheurs qui n’appartiennent qu’à lui. Si l’on travaille tous les jours aussi doucement qu’aujourd’hui, le procès durera encore un temps infini.

Je vous écrirai tous les soirs ; mais je n’enverrai ma lettre que le samedi au soir ou le dimanche, qui vous rendra compte du jeudi, vendredi et samedi ; et il faudroit que l’on pût vous en faire tenir encore une le jeudi qui vous apprendroit le lundi, mardi et mercredi ; et ainsi les lettres n’attendroient point longtemps chez vous. Je vous conjure de faire mes compliments à notre cher solitaire

    mort en 1686, conseiller au parlement en 1636, maître des requêtes en 1643. Son impartialité dans ce grand procès confirma la réputation qu’il s’était acquise d’être l’un des magistrats les plus intègres de son temps ; mais sa résistance aux volontés de la cour, hautement manifestées, entraîna sa disgrâce. En 1667, il vendit sa charge de maître des requêtes, et se retira entièrement de la vie publique.

  1. « M.  Foucquet s’engagea d’établir la date de la procuration donnée en blanc, ce qui étoit fort contre lui ; mais comme M.  le chancelier ne sait pas l’affaire, il ne releva pas la difficulté, et midi ayant sonné, on fit lever M.  Foucquet. » (Journal manuscrit de d’Ormesson.)