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NOTICE BIOGRAPHIQUE


cœur, comme autrefois elle écumait sa chambre de fâcheux. lorsqu’elle fait une promenade dans ce cœur, presque toujours ou le badinage évident, ou l’énergique vérité du sentiment et le bonheur original de l’expression jettent tout au moins dans le doute, au moment où l’on va condamner. En tout cas, madame de Sévigné contracta bien moins quelques-uns des défauts de l’hôtel de Rambouillet, qu’elle ne mit à profit les services que cette élégante société a rendus à notre langue, en la polissant, en lui donnant plus de pureté et de finesse, en l’enrichissant, même dans le style familier, d’heureuses et hardies métaphores. S’il y avait dès lors quelque mauvais goût répandu parmi les précieuses, son esprit droit et naturellement sain était bien prémuni contre la contagion. Elle se moquait des esprits sophistiqués ; elle haissait le tortillonnage et ce qu’elle appelait le délicat des mauvaises ruelles[1]. Quand elle rencontrait un style prétentieux, elle disait qu’il la faisait renoncer à la délicatesse, à la finesse, à la politesse, et la jetait dans la grossièreté, de peur d’écrire de même[2].

Nous ne trouvons rien qui fasse connaître si madame de Sévigné passa la fin de l’année 1647 au milieu des plaisirs et des brillantes réunions de Paris, ou si elle était rentrée dans sa solitude de Bretagne. Mais c’est aux Rochers certainement qu’elle se trouvait au commencement de l’année 1648. C’est là que naquit son second enfant, Charles de Sévigné. C’est de là qu’elle écrivit le 15 mars 1648 à son cousin Bussy cette charmante lettre qui commence ainsi : « Je vous trouve un plaisant mignon, » et où, le menaçant « de le réduire au lambel, » elle lui annonce qu’elle est accouchée d’un garçon. De cette lettre et de la réponse qu’y fit Bussy sont sorties toutes les erreurs qui ont eu longtemps cours sur les dates de la naissance de mademoiselle de Sévigné et de celle de son frère. Nous avons déjà dit plus haut que la chronologie de Bussy était en faute. Il croyait, en écrivant ses Mémoires, se rappeler que la lettre de sa cousine, datée du 15 mars, lui était parvenue à Valence, lorsqu’il partait pour la campagne de Catalogne, c’est-à-dire en 1647. La confusion qu’il a faite est devenue évidente, dès

  1. Lettre du 14 septembre 1675.
  2. Lettre du 13 août 1677.