Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ii
AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS.


minantes de son esprit, elle appartient à la première manière du grand siècle ; et en même temps elle a beaucoup de ce qui caractérise la seconde.

Mais nous n’avons point à la juger, à la louer ici : son nom en dit plus que tous les éloges. Notre objet est simplement d’exposer, le plus brièvement que nous pourrons, ce qu’est la nouvelle édition.

Depuis que le chevalier de Perrin, usant avec une très-libre hardiesse des pleins pouvoirs que se donnaient autrefois les éditeurs, a publié en 1734 et 1754 ses deux Recueils des lettres de Mme  de Sévigné, le texte arrangé par lui est devenu chose sacrée, définitive et immuable, et toutes les impressions suivantes l’ont invariablement reproduit. On s’en rapportait aveuglement à lui. Mme  de Simiane, qui sans doute était soucieuse plus que personne de la gloire de sa grand’mère, l’avait autorisé, encouragé, approuvé : que demander de plus ? À tort ou à raison, nous demandons plus aujourd’hui. Quand il s’agit de l’authenticité des textes, et surtout d’un texte qui tient une si grande place dans l’histoire de la langue et des lettres françaises, nous ne nous prêtons à aucun accommodement, et nous n’avons, ou du moins nous n’écoutons, qu’un seul scrupule, celui de la vérité et de l’exactitude parfaites.

M.  Monmerqué, dans son édition de 1818, avait, lui aussi, pour un trop grand nombre des lettres publiées par Perrin, adopte son texte sans y rien changer. Les moyens de le corriger qu’il a eus depuis à sa disposition, lui manquaient alors en grande partie : les moyens évidemment plutôt que le désir ; car les différences qu’il avait remarquées à chaque ligne entre les autographes qui nous restent, qu’il avait pu voir, et les lettres épurées, polies, châtiées, par le fondé de pouvoir de Mme  de Simiane, avaient nécessairement éveillé tout d’abord sa défiance. Il n’avait pas pu ne pas comprendre que le devoir d’un éditeur du dix-neuvième siècle ne ressemblait en aucune manière à celui que Perrin croyait avoir à remplir ; que si, trente ans, soixante ans même après sa mort, Mme  de Sévigné appartenait encore à sa famille, aujourd’hui elle appartient à l’histoire, comme un des témoins les plus sincères, les plus fidèles de son temps, et que nous la voulons telle qu’elle a été, non telle que le dix-huitième siècle nous l’a faite. En effet, le système de