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iii
AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS.

Perrin une fois admis, il n’y aurait pas de raison de ne pas recommencer l’opération de rajeunissement tous les cent ans : il serait tout aussi légitime et tout aussi logique de rhabiller maintenant l’illustre épistolaire à la mode de 1861, qu’il l’avait été de l’habiller, pour nos grand’mères et nos bisaïeules, a la mode de 1734, puis vingt ans plus tard, comme l’a fait çà et là le chevalier, à celle de 1754. Et en ce temps-là on ne faisait pas les choses à moitié. On ne s’en est pas tenu à adoucir quelques libertés d’expression, fort peu choquantes (à part un très-petit nombre) pour qui a pratiqué tant soit peu le dix-septième siècle ; à retrancher telle confidence, telle médisance, blessantes pour les survivants ou les héritiers de la société que fréquentait et jugeait la marquise ; on ne s’est pas borné à enseigner les bienséances à la noble dame : on a voulu de plus lui apprendre la grammaire, lui interdire les négligences, les répétitions, beaucoup de hardiesses et de familiarités de construction, certains mots, certains tous qui avaient vieilli ou dont les grammairiens ne voulaient plus. En outre, on a tantôt supprimé, tantôt resserre, les taxant évidemment de commérages et d’inutiles longueurs, bien des pages charmantes par le laisser-aller et le détail infini, bien des causeries du plus aimable abandon[1].

Nous ne voulons pas faire ici le procès à l’éditeur qui se montra si téméraire à force d’être prudent et scrupuleux. Parmi les motifs qui l’ont fait agir, il en est qui, au temps où il s’acquittait de sa tâche délicate, n’étaient pas sans valeur ; d'autres étaient au moins spécieux. On nous dit qu’aujourd’hui encore il y a des esprits difficiles. amis des bienséances et de la correction, qui préfèrent les retouches et les arrangements de Perrin au premier jet, à la libre aisance de Mme de Sévigné.

  1. On peut voir dans les spécimens comparatifs que nous avons publiés et qui sont réimprimés à la suite de cet Avertissement, jusqu’où ont été poussées les altérations. Il n’eût pas été sans intérêt d’étendre a toute la Correspondance cette comparaison du texte de l’édition nouvelle et des éditions antérieures ; mais il eût fallu pour relever toutes les différences, un bien grand nombre de notes critiques, qui auraient eu fort peu d’attrait pour la plupart des lecteurs. On a donc dû se borner à signaler les divergences curieuses et dignes de remarque. Il sera facile a tous de pousser plus loin le rapprochement, au moyen d’un exemplaire de Perrin ou de l’une des éditions qui ont suivi les siennes.