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Le chevalier de Buous est bien content de moi : je suis sa résidente chez M. de Pompone. Guilleragues a fait des merveilles dans sa Gazette. Je trouve les dernières louanges un peu embarrassées[1] : j’aimerois mieux un style naturel et moins recherché.

Mon fils me mande que la désolation de son armée lui fait comprendre l’excès de celle d’Allemagne ; qu’ils sont pourtant heureux qu’on leur laisse M. de Luxembourg, en leur ôtant Monsieur le Prince. Il me prie d’écrire à ce nouveau général ; je pense qu’il vous en prie aussi. Faites-le, ma petite : vous écrivez si bien. Vous ne sauriez croire le plaisir et l’agrément qui en reviendra à votre frère. La pauvre Mme de Vaubrun est entièrement désespérée de la mort de son mari ; elle fait grand’pitié[2]. M. d’Harouys pleuroit hier à chaudes larmes, et pour sa douleur particulière, et pour celle de cette pauvre femme. Les nouvelles d’Allemagne font toute notre attention. Je vis l’autre jour à la messe le comte de Fiesque[3] et d’autres, qui assurément n’y ont point bonne grâce. Je trouvai heureuses celles qui n’avoient leurs enfants ni aux Minimes[4], ni en Allemagne ; c’est-

  1. Il s’agissoit d’un éloge de M. de Turenne, qui fut mis dans la Gazette de France, à l’occasion de sa mort. (Note de Perrin.) Guilleragues avait la direction de la Gazette. (Note de l’édition de 1818.) Voyez cet éloge de Guilleragues, à la p. 582 de la Gazette, numéro du 3 août, et au tome III de la Correspondance de Bussy, p. 75.
  2. Nicolas de Bautru, marquis de Vaubrun, l’un des deux lieutenants de Turenne. Sa femme était Bautru et sa nièce. Il fut tué au combat d’Altenheim, le 1er août, quatre jours après la mort de Turenne. Sa mort fut glorieuse : « Vaubrun lui-même, le pied cassé et la jambe sur l’arçon, chargea à la tête des escadrons comme le plus brave homme du monde qu’il étoit, et y fut tué. » (Mémoires de la Fare, tome LXV, p. 221.)— Voyez la Gazette du 17 août.
  3. Voyez la lettre du 24 juillet précédent, tome III, p. 5 2 5.
  4. C’est-à-dire à la messe des Minimes de la Place-Royale, ou Mme de Sévigné alloit ordinairement. (Note de Perrin.) — Cette église a été abattue après le 18 fructidor.